- Une soirée arrosée ? - {Pv Coleen =D}

Coleen reboutonna son jean, un sourire satisfait flottant sur son visage. Son regard azuré se porta sur le dos musculeux du docteur Amos qui disparu bientôt derrière sa chemise.
Le jeune homme se mordit la lèvre inférieure d’un air gourmand, essayant de se rappeler quel goût avait sa peau brunie par le soleil.
L’homme réajuste sa chemise d’un blanc irréprochable pendant qu’il terminait de boucler sa ceinture, détournant son visage pour ne pas craquer et lui sauter à nouveau dessus.
Une fois complètement rhabillé, il s’approcha de son psychiatre avec lenteur et, l’expression mutine, entoura sa taille de ses bras. Le blondinet colla sa joue contre le tissu, fermant les yeux en laissant sa main droite caresser habilement l’entrejambe du quadragénaire.
Il sentit ce dernier frémir de plaisir, mais sa main ornée d’une alliance attrapa bientôt la sienne pour se dégager.

Le jeune homme se laissa faire, déçu mais ne laissant rien paraitre. C’était toujours pareil après une de leur partie de jambe en l’air. Le médecin redevenait austère, froid. Coleen avait même souvent l’impression qu’il se détestait de l’avoir pénétré et qu’il avait honte de lui…
Coleen, lui, n’éprouvait jamais le moindre remord, au contraire.
Il savourait ces rencontres qui illuminaient ses semaines et auxquelles il pouvait se raccrocher quand des nuages obscurcissaient son ciel intérieur. Il aurait voulu que ses séances ne s’arrêtent jamais. Il aurait voulu pouvoir passer le restant de sa vie entre les bras musclés et protecteurs de l’homme.
Mais la réalité le rattrapait toujours.

Michael fit le tour de son bureau en remettant sa cravate en place, puis se laissa tomber dans son fauteuil en cuir qu’il avait quitté à son arrivée.
Un sourire amusé aux lèvres, Coleen vint s’installer en face de son psychiatre, croisant ses bras sur sa poitrine.

« Alors… qu’en dîtes-vous docteur ? » Minauda-t-il « Je vais mieux où j’aurai besoin d’une ou deux séances supplémentaires ? »

« Il faudra vraiment que nous parlions un de ces jours Coleen » Répliqua le Dr Amos de sa voix chaude et profonde, ses yeux presque noirs plongé dans les siens

« Un de ces jours oui… mais je préfère largement ce que nous faisons aujourd’hui ! »

L’homme poussa un soupir mais demeura silencieux. Ses mains fraichement manucurées étaient croisées sur son ventre tandis qu’il s’agitait d’avant en arrière sur son siège, la bouche agitée de tic nerveux.
Oui… il culpabilisait.
Il regrettait.
Pourquoi ? Qu’est-ce qu’ils avaient fait de si mal ?!
Pourquoi fallait-il qu’il se sente coupable d’avoir éprouvé du plaisir et de lui en avoir fait éprouver ?! C’était complètement nul !

« J’ai beaucoup aimé cette séance » Continua Coleen d’un ton anodin « Mais je… »

Une sonnerie retentit soudain dans le bureau.
Une sonnerie stridente et désagréable que le jeune homme avait apprit à détester. Celle qui sonnait la fin de sa session d’une heure. Il allait devoir partir.
Michael Amos ne le gardait jamais plus longtemps que le temps qui lui était imparti. Il avait bien essayé à quelques reprises de grappiller quelques instants encore, mais ça n’avait jamais marché.
Il était sûr que s’il le menaçait de se suicider maintenant, l’homme lui dirait qu’ils en parleraient la semaine suivante…
Il haïssait cette sonnerie qui lui rappelait qu’il n’était qu’un patient comme les autres.
Rien de plus, rien de moins.

« Bien, nous y voilà» Lui fit justement remarquer Amos, un demi-sourire poli affiché sur son visage halé et savamment sculpté

« Mouais… nous y voilà » Soupira Coleen

« On se voit la semaine prochaine. Même heure même jour donc ? » Demanda-t-il en se levant pour le raccompagner à la porte qu’il ouvrit en grand

Il faisait toujours bien attention d’ouvrir la porte avant de le saluer. Sûrement pour qu’il ne fasse pas de vague et n’essaie pas de l’embrasser ou de faire quelque chose du genre. La porte ouverte donnait sur le secrétariat et il connaissait assez Coleen pour savoir qu’il ne ferait rien pouvant le mettre mal à l’aise.
Cet enfoiré savait pertinemment ce qu’il ressentait pour lui… c’était un psy après tout.

Coleen avait donc quitté le bureau de son psychiatre après l’avoir remercié pour son temps, lui faisant la promesse de revenir la semaine suivante. Il avait salué la secrétaire qui lui avait une fois de plus demandé de prendre soin de lui. Elle ne devait rien y comprendre la pauvre. Chaque fois qu’il rentrait dans le bureau du doc, il arborait un sourire radieux et dès qu’il en ressortait, il semblait être au bord du gouffre…
Et il l’était.

C’est donc tout naturellement que le jeune homme avait dirigé ses pas vers le bar le plus proche. Il s’était installé à une table, seul, et n’avait même pas pris la peine de faire un tour de table pour repérer les célibataires qui seraient susceptible d’avoir la même orientation sexuelle que lui.
Les minutes s’étaient écoulées avec lenteur et les boissons alcoolisées avaient défilés entre ses mains. L’alcool lui était rapidement monté à la tête et il l’avait laissé faire avec plaisir, satisfait de pouvoir s’échapper...ou presque.
Il avait plusieurs fois fondu en larmes, enfouissant sa tête dans ses bras pour se dissimuler à la vue des autres clients en se trouvant parfaitement pathétique. Mais qu’est-ce qu’il pouvait y faire ? Il était amoureux ! C’était la faute de ce connard de psy !! Tout était sa faute !
Et puis soudain, il se remémorait son visage, ses tempes grisonnante, le plie soucieux qui venait parfois barrer son front, ses mains expertes, le goût de ses lèvres… et il se sentait revivre. IL riait alors seul, étouffant ses éclats de rire idiots derrière sa main… pour recommencer à pleurer la minute suivante.

Soudain, alors qu’il était dans une phase neutre, ses yeux gonflés par l’épuisement et l’alcool qu’il avait ingurgité, il aperçut une silhouette s’approcher de sa table.
Lentement, il leva son visage pour plonger ses yeux azurés (et injectés de sang) dans ceux de l’intruse.
Ils lui disaient bien quelque chose mais il n’arrivait pas à mettre un nom sur ce visage pourtant familier.
Blonde, assez petite, un sourire irrésistible, deux joues à croquer, des yeux magnifiques…

« Lizzie ?! » S’exclama-t-il d’une voix éraillée par l’alcool « Tu m’espionnes, c’est ça ?! » Demanda-t-il d’un ton agressif, sans vraiment savoir d’où lui venait cette idée

Les yeux de Coleen s’écarquillèrent à la réponse de son amie.
Evidemment, ça n’avait rien à voir avec l’absurdité de sa question. Il était trop ivre pour se rendre compte que, d’une part que ça ne répondait pas le moins du monde à sa propre question, et ensuite, qu’elle n’avait tout bonnement rien à faire là.
Mais encore une fois, le blond ne s’en formalisa pas le moins du monde.
Non, la raison pour laquelle il venait d’écarquiller dans une expression mêlant surprise et angoisse, c’était tout simplement parce qu’il venait d’être pris au dépourvu et n’avait pas de réponse en stock !

Il n’avait jamais connu sa grand-mère paternelle. Elle était morte pendant que sa famille vivait encore en Afrique. Il se rappelait vaguement avoir pris l’avion pour Sydney afin de lui rendre un dernier hommage, mais n’avait jamais eu l’occasion de la croiser avant cela.
Maintenant, elle pouvait tout aussi bien lui parler de sa grand-mère maternelle !
Elle, il l’avait connu et l’avait toujours détesté. Elle n’avait cessé de reprocher la mort de sa mère à Rhys, son gendre, et elle avait finit par couper les ponts avec eux… du moins, son père lui avait toujours interdis de lui adresser la parole et affirmait que c’était sa volonté à elle. Ca ne l’avait jamais dérangé plus que ça. Cette vieille harpie était homophobe en plus d’aimer donner des coups de canne !
Seulement du coup… il ne savait pas si oui ou non elle faisait du vélo !

Alors que Coleen s’apprêtait à fondre en larmes une nouvelle fois, se sentait profondément désolé de ne pas pouvoir répondre à sa question, elle attrapa le verre qu’il avait entamé et le but entièrement sous ses yeux.
Une fois encore, ses sourcils se haussèrent et il la fixa d’un air interloqué, oubliant ses grand-mères et de leurs éventuels vélos...
Après avoir reposé son verre sur sa table dans un claquement sonore, elle lui demanda de la traiter avec plus de respect et de s’adresser à elle d’une manière moins agressive.
Qu’est-ce qu’il avait bien pu dire pour qu’elle lui réponde ça… ?
Peut lui importait au fond. Si elle lui reprochait sa manière de parler, c’est qu’il avait dû dire quelque chose de mal.

« Excuse-moi Goldilocks » Marmonna-t-il en articulant exagérément pour être clairement compris

Sa bouche était endormie et il avait l’impression de se réveiller d’une anesthésie générale… pas qu’il en ait déjà subie une mais il était sûr qu’il se sentirait exactement pareil !
Déglutissant péniblement et essayant de garder un air très digne, il reprit la parole en attrapant son amie par les épaules pour la regarder bien en face...et aussi pour qu’elle arrête de tanguer. Il commençait à avoir le mal de mer. C’était peut-être d’ailleurs lui qui le faisait tanguer et non ele qui bougeait.

« Je pense que tu devrais aller te fourrer la tête dans les toilettes et ne revenir que quand ta tête aura repris une couleur normale ! Et j’te dis ça en toute amitié bien sûr ! Parce que je tiens à toi tu sais » Commença-t-il en essayant de suivre le flot de ses paroles et de comprendre ce qu’il débitait « Je refuse que tu finisses vieille fille ou que tu t’ouvres les veines dans ta cuisine parce que tu n’auras personne à qui parler ! Si ça ne va pas, il faut m’le dire ! …t’as jamais pensé à te teindre les cheveux en noir ? Ou en mauve ! C'est joli le mauve... non ? » Demanda Coleen en attrapant une mèche des cheveux blonds de son amie pour l’entortiller autour de son doigt d’un air complètement fasciné

Les sourcils de Coleen se plissèrent légèrement à la réponse de son amie.
Le jaune ? Mais ses cheveux étaient déjà jaunes !
C’est à cet instant précis que le jeune homme réalisa que son interlocutrice était complètement ivre. Ca expliquait pas mal de choses à vrai dire. La manière dont elle se tenait, la pâleur de son teint, les cernes étranges sous ses yeux brillants, le niveau sonore qu’elle adoptait, la manière qu’elle avait de porter sa main à son front comme si elle se sentait mal…
Et le fait qu’il lui ait fallut autant de temps pour s’en rendre compte lui apprenait également qu’il était lui-même dans un sale état.
Comme chaque fois qu’il quittait le bureau de du docteur Michael Amos en fin de compte. En général, il finissait toujours par appeler sa sœur pour qu’elle vienne le récupérer à la sortie des bars d’où il s’était fait virer, et il dormait sur son canapé. Enfin ça, c’était quand il était assez sobre pour retrouver son nom dans son répertoire.
Il allait falloir qu’il parle de cette mauvaise habitude à son psy…

La voix claire et haut perchée d’Elizabeth le ramena à la réalité. Il n’avait même pas réalisé que sa main avait quitté la chevelure dorée de sa vis-à-vis et, visiblement, cet état des choses lui déplaisait fortement.
Pour toute réponse, il lui décocha son plus beau sourire et recommença à entortiller ses cheveux quelques instants d’un air un peu ahuri.
Seulement sa main commençait à peser et ce geste ne tarda pas à le lasser.

« Viens par là ma belle » Fit-il finalement

Avant qu’elle ait pu réagir, il l’attrapa par les hanches et l’attira à lui. Il la fit assoir sur ses genoux et, posant sa tête sur son épaule frêle et dénudée, il passa sa main autour de sa taille fine. Coleen ferma les yeux un moment, savourant ce moment de calme relatif.
Tout lui paraissait soudain lointain, simple… si on lui en avait laissé l’occasion, il se serait bien laisser aller à dormir.
Mais ses yeux se rouvrirent bientôt et il commença à tripoter son verre vide d’une main, serrant toujours son amie contre lui de l’autre.
Des questions existentielles venaient de le traverser et lui brûlaient maintenant les lèvres.
Après tout, il ne savait pas d’où elle venait exactement, ce qu’elle faisait là, ni pourquoi elle était complètement ivre. Il la savait fêtarde mais peut-être y avait-il quelque chose d’autre. Etait-elle seule ou accompagnée, et si c’était le cas, où étaient ses amis ?
Prenant une grande inspiration, comme pour se donner du courage, il ouvrit la bouche pour formuler ses interrogations à intelligible voix.

« T’as soif ? »

Raté.

« Non, j’veux dire… pourquoi t’es là ? T’avais soif ou… ou bien non ? » L’interrogea Coleen, prenant sur lui pour que ses phrases aient un sens

La bouche de Coleen s’ouvrit en un ‘o’ parfait lorsque son amie lui apprit qu’elle avait envie de vomir. A vrai dire, il avait manqué de régurgité lui-même à plusieurs reprises depuis le début de la soirée, mais avait réussi à se contenir jusque là. Et maintenant qu’il avait une jolie jeune fille avec qui il comptait rester en bons termes installée sur ses genoux, il avait intérêt à continuer comme ça…
La suite de sa phrase lui fit passer tout envie de vomir.
Il détestait qu’elle évoque le sujet de ses parents. Il avait toujours peur qu’elle éclate en sanglot et avait du mal à consoler les gens. Les pleurnichards l’avaient toujours agacés au plus haut point (et non, il ne se comptait pas dans le tas, il ne pleurait que quand il était complètement bourré).
Mais avec Elizabeth c’était différent.
Elle ne l’agaçait jamais mais il ne savait pas comment s’y prendre quand elle était comme ça.

Ce soir pourtant, ce n’est pas cette crainte de la voir fondre en larme qui crispa ses mâchoires. Non, ce fut celle de lui-même se remettre à pleurer. Il était devenu une véritable fontaine ce soir et il détestait ça.
Heureusement, en étant sur ses genoux, son interlocutrice ne pouvait le voir. Il colla son front contre le dos dénudé de la jeune femme qui ne portait qu’une robe et l’écouta déblatérer un tas d’inepties sans rien dire.
Enfin écouter était un bien grand mot.
Coleen était perdu dans ses pensées, ressassant son passé qu’il tentait de garder derrière lui. Se pencher dessus n’était pas dans ses habitudes, il détestait les gens qui s’apitoyaient sur leur sort. Et depuis quelques heures, il n’arrêtait plus de le faire et se détestait lui-même.
Il détestait se détester.
C’était naze ! Pathétique ! Pitoyable ! A pleurer…

Et soudain, la jeune femme se mis à gigoter sur ses genoux et, lorsqu’il releva ses yeux humides vers elle, elle avait apposé son index contre ses lèvres, lui demandant si quelque chose s’y trouvait.
Coleen se fit violence pour essayer de se concentrer un minimum. Essuyant ses yeux d’un revers de la main, il scruta sa lèvre avec la plus grande attention.
Mais il avait beau ouvrit les yeux au maximum, il ne voyait rien. A part l’index de la jeune femme évidemment. Et c’est d’ailleurs ce qu’il finit par lui dire.

« Rien d’autre que ton gros doigt boudiné » Dit-il en haussant une épaule négligemment avant de marquer une courte pause et de reprendre d’un ton sérieux « Ma mère est morte tu sais. C’était y a longtemps mais depuis elle n’est pas revenue. Et mon père ne veut pas m’faire de bisou. Jamais ! Il doit avoir peur que j’tombe amoureux de lui ou un truc comme ça » Expliqua-t-il avant de faire claquer son verre qu’il tenait toujours sur la table « Et d’ailleurs, il me faut un truc à boire ! T’as fini mon verre, impudente ! »

Il se mit alors à chercher le serveur des yeux, ne prêtant plus la moindre attention à son amie dont le regard pesait sur lui. Evidemment, il n’aperçut pas le type qui le servait depuis son arrivée. C’était typique ! Les serveurs n’étaient jamais là quand on avait besoin d’eux, et quand on voulait boire ou manger en paix, ils ne cessaient de venir vous déranger pour savoir si tout se passait bien…
L’arrivée d’Elizabeth lui avait presque fait oublier qu’il comptait se mettre dans le coma ce soir ! Mais il allait s'atteler à sa tâche avec plus de sérieux à partir de maintenant !
Et pour commencer, il allait écarter la jeune femme de ses genoux. Elle était plutôt légère mais pour le moment, un brun encombrante...

Passant de la théorie à la pratique et avant qu’elle n’ait pu protester, il la poussa sans grand ménagement. Elle se retrouva donc à son point de départ, debout près de la table. Enfin debout n’était peut-être pas le terme le plus approprié en l’occurrence…

Coleen baissant lentement les yeux vers son amie, installée à-même le sol du bar où ils se trouvaient. Son visage resta parfaitement impassible. Il n’était ni surpris, ni amusé par sa chute et évidemment, pas inquiet le moins du monde pour l’état dans lequel pouvaient bien se trouver ses fesses.
Et puis ça lui apprendrait à finir son verre sans sa permission ! C’était la punition de Dieu !

« La gravité viens de te donner une bonne leçon, qu’elle te soit bénéfique mon enfant » Grommela-t-il pendant qu’elle lui parlait d’un type qui l’aurait soi-disant traitée de blonde

Malgré tout, il prit le temps de suivre la direction indiquée par la jeune femme pour voir un groupe de trois personnes sagement attablées. L’un d’eux, la petite trentaine, des yeux perçants et un visage fin, l’observait avec un air courroucé.
Finalement, peut-être qu’elle ne mentait pas. Il avait l’air du type qui traite les filles blondes de… filles blondes.
L’homme soutint le regard azuré de Coleen un instant encore puis le détourna pour se concentrer sur la petite rousse aux yeux clairs qui partageait sa table.
Le blondinet reporta alors son attention sur Elizabeth, haussant une épaule négligemment.

« Bah t’as qu’à y aller puis lui dire que t’as pas aimé » Lui proposa-t-il d’un air indifférent « Je dois me commander à boire, je n’peux pas tout faire ! Et puis relève-toi on dirait qu’tu fais la manche… ou le tapin tiens »

Ne désirant pas perdre davantage de temps en bavardages, Coleen se remit à chercher le serveur des yeux.
En temps normal et s’il avait été sobre, il aurait sûrement aidé la jeune femme à se redresser (d’ailleurs, en temps normal, il ne l’aurait sans doute pas mise par terre…), mais il ne faisait plus vraiment attention à ce qu’il faisait pour le moment.
Bientôt, la voix nasillarde d’Elisabeth s’éleva de nouveau, certainement pour cracher son venin, mais peut lui importait. Il n’écoutait plus.

« Faut que j’pisse… » Murmura-t-il « Faut que j’boive et que j’pisse mais d’abord que j’pisse… faut que j’pisse ! » Scanda-t-il soudain, se tournant de nouveau vers son amie qui tentait de se remettre debout par ses propres moyens

Le jeune homme se leva de sa chaise tant bien que mal, prenant appui sur la table qui manqua de tomber avec lui lorsqu’il se mit à vaciller lamentablement. Après quelques secondes, pendant qu’Elizabeth piaillait toujours, il parvint à maitriser ses vertiges et pu lâcher le meuble, se fiant uniquement à ses jambes cotonneuses pour rester droit.
Une fois encore, Coleen se tourna vers son amie.

« Bon, viens là ma belle » Tiqua-t-il en lui tendant les mains

Elle sembla rechigner un moment mais finit par se laisser faire et, au prix d’un effort quasi-surhumain, il parvint à la redresser. Il la tint un moment contre lui, le temps qu’elle retrouve son équilibre (et lui aussi par la même occasion). Ils restèrent debout au milieu du bar durant un moment, figés, leurs regards plongés l’un dans l’autre.
Il avait toujours trouvé ses yeux magnifiques. Et pas seulement à cause de leur couleur. C’était ce qu’il y voyait… cette lueur mystérieuse et captivante qui le saisissait à chaque fois.
Elle avait été la seule.
Il était persuadé que c’était à cause de ses yeux… la manière dont elle le regardait. Ce qu’il pouvait voir au fond de ses pupilles…
Oui c’était sûrement à cause de ses yeux…
Coleen sentit les battements de son cœur ralentirent et après quelques instants, il se rendit compte qu’il avait cessé de respirer.
Lorsque ses poumons se rappelèrent à lui, il secoua sa tête et le charme se rompit instantanément.
Il s’écarta d’elle en vitesse et lui désigna le siège qu’il venait de quitter.

« Garde ma place. Si tu vois c’t’enfoiré de serveur, dis-lui de m’apporter un scotch. Dis-lui bien hein » Lui demanda-t-il en l’obligeant à aller s’assoir sur la chaise en bois « Si on te fait des misères, t’auras qu’à crier. Si j’suis pas évanoui, j’viendrai t’aider, parole de scout ! »

Sans plus de cérémonie, il la planta là et s’éloigna d’un pas maladroit vers les toilettes du bar, priant pour atteindre les toilettes avant qu’il ne soit trop tard et ainsi épargner son pantalon et accessoirement sa dignité…

Après avoir traversé le navire qu’était devenu le bar en se concentrant sur sa vessie pour qu’elle n’explose pas en chemin, Coleen poussa enfin la porte des toilettes. Il marqua un temps d’arrêt pour faire le point et s’assurer qu’il était au bon endroit. Il lui était déjà arrivé de pénétrer dans les cuisine un jour om il était complètement bourré et en présence d’Elee. Evidemment, elle avait suivie le mouvement comme une idiote et c’était bien gardée de lui signaler qu’il pissait dans une poubelle…
On les avait poursuivis jusque dans la rue pour cet affront. Le seul avantage avait été de partir sans payer. Mais il y avait laissé son portable alors...on ne pouvait pas franchement parler d’avantage en fin de compte.

Cette fois en revanche, il se trouvait bel et bien dans les toilettes. Il y avait l’odeur, il y’avait les urinoirs, et même un homme ne train de se vider. D’ailleurs, le bruit qu’il faisait en se vidant lui rappela ce qu’il était venu faire et le jeune homme s’activa à défaire sa braguette.
Tout en se soulageant, il ferma les yeux en s’imaginant déjà consommer son scotch. Elizabeth le lui aurait sûrement commandé pendant son absence et il pourrait le déguster.
Ce serait son dernier verre.
Après, il règlerait sa note tant qu’il pouvait encore compter et trainerait son amie dehors. Ils marcheraient en direction de la plage et s’endormiraient dessus jusqu’à ce qu’on les déloge. Et bonne chance à ceux qui devraient s’y coller…

« Hey oh, ça va ? »

L’intéressé sursauta et tourna la tête vers l’homme qui, quelques secondes avant, se vidait près de lui.
Dans la vingtaine, des cheveux châtains coupés courts, un nez droit et fin encadrés par deux yeux verts, une mâchoire carrée, il était tout à fait charmant… et tout à fait en train de le mater pisser !

« …ouais… ça va » Finit par répondre Coleen

Il réalisa alors soudain qu’il avait terminé de vider sa vessie. Depuis combien de temps ? Et pourquoi était-il adossé au petit muret séparant les cabines ?

« Vous avez un peu forcé sur la bouteille, n’est-ce pas ? » Lui sourit le jeune homme d’un ton conciliant

Le blondinet lui adressa une grimace coupable puis laissa échapper une exclamation amusée. Il reboutonna son pantalon, sans prendre la peine de remettre sa ceinture qui pendait grossièrement. L’homme le détailla avec attention pendant que Coleen actionnait distraitement la chasse d’eau, avant de s’appuyer nonchalamment au mur derrière lui. Ca n’était sans doute pas très hygiénique, mais il s’en moquait.
Les secondes s’écoulèrent avec lenteur pendant que les deux hommes s’examinaient avec la plus grande attention. Coleen avait déjà vécut ce genre de moments.
Les rencontres dans les toilettes, il connaissait bien. Quelques fois lui et le garçon s’enfermaient pour faire l’amour à même la pièce, d’autre fois, ils prenaient au moins le temps d’aller dans la voiture ou de rejoindre l’appartement de l’un ou de l’autre…

« J’m’appelle Freddie » Lâcha finalement le garçon

« Comme le chanteur » Murmura Coleen dans un sourire amusé

« Comme le chanteur oui… Tu es seul ? »

« Avec une amie. Elle doit m’attendre d’ailleurs » Répondit-il en jouant les indifférents

« Elle n’est pas du genre patiente ou bien… » Commença l’autre en s’approchant subtilement du coin où se tenait Coleen

Ce dernier le laissa faire, se mordillant la lèvre inférieure dans une moue provocatrice.
C’était ce qu’il aimait dans ces rencontres rapides. On ne s’ennuyait pas avec les préliminaires. Les deux partenaires avaient consciences que tout ça ne mènerait nulle part. Ca ne serait que du sexe. Du sexe dans un endroit glauque. Quelque chose qu’on oublie très vite.
De toute manière, dans son état, il savait qu’il ne se souviendrait sûrement pas de son nom, et ne mémoriserait pas ses traits…

« Elle n’est pas très patiente non… » Souffla-t-il finalement, tandis que l’autre n’était plus qu’à quelques centimètres de lui

Une seconde plus tard, l’homme passait sa main dans sa nuque, l’obligeant à se décoller du mur contre lequel il s’appuyait. Coleen se laissa faire docilement, plaquant ses lèvres sur celle du dénommé Freddie.
Elles étaient encore un peu anesthésiées et il ne sentit pas grand chose de ce baiser pourtant donné avec conviction. L’odeur de l’alcool et du tabac froid lui agressait les narines mais il s’en moquait.
Son vis-à-vis passa une main dans son jean pendant que les siennes passaient dans le dos de l’autre, sous la chemise à rayures bleues qu’il portait.
Une vague de chaleur l’envahissait tandis qu’il s’abandonnait complètement.
Son corps réagissait à la moindre des caresse de l’autre, sa langue suivait le mouvement de la sienne, mais son esprit était ailleurs.
Il repensait à Michael.
Avec lui, tout était différent. Avec lui, il était présent, corps et âme.

« …pas grave »

Coleen rouvrit les yeux. Il ne se souvenait même pas les avoir fermés.
Il fronça les sourcils, plongé dans l’incompréhension la plus totale. Freddie se tenait toujours devant lui, le soutenant tant bien que mal.
Une fois encore, il avait complètement perdu la notion du temps. Sa tête bourdonnait affreusement, son ventre lui donnait l’impression d’être en mouvement à l’intérieur de son corps vidé de toutes forces et il avait la migraine.
S’était-il endormi ?
Sans vraiment comprendre ce qui se passait, il observa Freddie qui était en train de rattacher sa ceinture. Il avait clairement manqué un épisode…

« Tu ferai mieux de demander à ta copine de t’ramener chez toi » Continua l’homme

Coleen voulu lui expliquer qu’elle devait sûrement être dans le même état que lui mais les mots refusèrent de se former et il se contenta de fixer son interlocuteur d’un air ahuri. Il ne pouvait pas rentrer de toute manière… son scotch l’attendait…
Tout ça lui paraissait loin maintenant.

« Si tu veux, je peux vous raccompagner, j’ai une voiture » Proposa encore Freddie

« Non… merci » Marmonna Coleen d’une voix à peine audible

« Ok, comme tu l’sens mon p’tit » Sourit le brun « Tu vas réussir à marcher ? »

Le jeune homme hocha la tête à la positive mais resta cloué sur place. Finalement, l’homme l’aida à faire quelques pas et bientôt, la machine Coleen se remit en route.
Après avoir gratifié Freddie de quelques mots qui étaient censés exprimer sa reconnaissance mais ne voulaient sûrement pas dire grand chose, il le laissa lui ouvrir la porte et se retrouva de nouveau à l’intérieur du bar.
La musique lui agressa les tympans et l’odeur d’alcool et de frites lui donna la nausée. Pour la première fois depuis qu’il était arrivé, il ne voulait plus être ici. Il ne voulait plus ingurgiter la moindre goutte d’alcool et ne souhaitait qu’une chose, s’allonger au chaud dans ses draps.

Il sentit la main de Freddie se poser sur son épaule et l’instant d’après, il était seul, debout devant la porte des toilettes. Un moment plus tard encore, il se décida à refaire fonctionner ses jambes et chercha la table où se trouvait Elizabeth du regard. Il n’avait plus la moindre idée de l’endroit où elle se trouvait et il avait beau regarder autour de lui, il ne voyait rien d’autre que des formes mouvantes et floues.
Il se sentit bousculer un moment mais, le temps qu’il se retourne pour s’excuser, il était seul au milieu du chemin, complètement perdu.
Peut-être était-elle partie. Après tout, il n’avait plus la notion du temps et s’était peut-être absenté un long moment. Ou alors… elle avait été agressé par un blondophobe et gisait quelque part, morte, ses cheveux soyeux complètement tondus !
Angoissé, il resta planté au milieu du bar, ses yeux clairs parcourant la salle avec frénésie.

Une fois encore, les mâchoires crispées par l’anxiété qui l’accablait, Coleen sentit les larmes venir mouiller ses yeux déjà malmenés par sa consommation d’alcool. En temps normal, ne pas trouver la jeune fille ne l’aurait pas inquiété une seule seconde. Mais voilà, ce soir, il était tout sauf dans son état normal.
La preuve, il venait de passer à côté d’une petite aventure dans les toilettes…
Complètement abattu, figé au beau milieu d’une allée vide, il continuait de jeter des coups d’œil autour de lui, ne prêtant finalement même plus attention au décor. Il ne savait plus vraiment ce qu’il devait chercher. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il se sentait comme un gosse abandonné dans un centre commercial par un jour de solde.
Les conversations alentours allaient bon train et le brouhaha incessant n’aidait en rien son mal de crâne naissant. Les rires fusaient autour de lui et le bruit des verres s’entrechoquant devenaient tout simplement insupportable.

Mais soudain, alors qu’il allait porter ses mains à ses oreilles comme un autiste de 6 ans en pleine crise, il sentit deux mains se poser dans son dos, s’accompagnant d’un ‘bouh’ très peu efficace.
Il n’avait même plus assez de réflexes pour sursauter.
Coleen fit volte face, se demandant si le croque-mitaine venait de faire son entrée pour l’enlever ou s’il s’agissait d’autre chose. Il ne tarda pas à trouver la réponse et, aussitôt, un long soupir de soulagement s’échappa de ses lèvres pâles.
Elle était là. Bien vivante devant lui avec tous ses cheveux sur le caillou et… la langue bien pendue. Il aurait bien aimé lui dire de se taire, que sa voix haut perchée lui donnait la migraine, mais il était bien trop heureux de l’avoir devant li pour la freiner.

Lorsqu’elle eut terminé son monologue, Coleen, dont le visage arborait toujours la même expression mêlant ébahissement et apaisement, passa une main dans les cheveux d’Elizabeth, comme s’il avait voulu s’assurer de sa présence.
Une serveuse passa près d’eux et le bouscula légèrement, l’obligeant à se rapprocher de son amie. Posant ses mains sur ses épaules, il s’appuya un peu sur elle, accordant un maigre répit à ses jambes flageolantes.

« Je… j’ai cru que t’étais morte… » Répondit-il finalement, d’une voix qui lui paraissait étrangement lointaine « Il faut plus jamais m’faire ça hein ! »

L’instant d’après, il passait ses bras autour du corps frêle de la jeune femme, caressant le tissu noir de sa robe. Il ferma les yeux un moment, savourant ce moment de répit où aucun sentiment de crainte ne l’assaillait.
Coleen aurait voulu pouvoir s’endormir maintenant. La soirée avait déjà trop duré. Il n’avait pas la moindre idée de l’heure qu’il pouvait être ni du temps qu’il avait passé dans ce bar, mais il savait que c’était déjà bien trop...
La proposition de son amie lui revint alors en mémoire et il s’arracha de son étreinte pour plonger son regard dans le sien, continuant de la tenir par les épaules.

« Fuyons tant que nous el pouvons encore ma mie ! » Approuva-t-il dans un hochement de tête

Il attrapa alors sa main et se remit en marche, trainant la jeune femme derrière lui. Ses pas étaient un peu plus assurés maintenant qu’il savait qu’il allait partir. Mais avant toute chose, il fallait qu’il retrouve sa table, sa veste et son portefeuille qui lui permettrait de régler la note surement salé qu’il devait payer.
Après quelques secondes de fouille, il aperçut enfin son vêtement non loin de là et s’en approcha, tenant toujours la main chaude d’Elizabeth dans la sienne.
Il attrapa sa veste d’un geste vif et se retourna vers la jeune femme pour lui adresser un clin d’œil complice.
Alors qu’elle ouvrait la bouche pour dire quelque chose, il secoua la tête et la fit taire en lâchant sa main pour plaquer la sienne sur sa bouche.

« N’ouvrez point la bouche malheureuse ! Nous sommes en territoire ennemi ! Ces manants s’apprêtent à me dépouiller de mon or et ils n’attendent qu’un mot de votre part pour nous sauter à la gorge et nous occire comme de vulgaires chiens galeux ! » S’exclama-t-il en jetant des coups d’œil prudent autour de lui

Une fois assuré que personne ne les observait, il relâcha la jeune femme et lui adressa son plus beau sourire. Il avait toujours aimé les chevaliers…
Sans plus de cérémonie, il s’éloigna de la jeune femme d’un bon pas, fouillant dans ses poches à la recherche de son portefeuille. Il s’approcha du comptoir et s’y appuya nonchalamment pendant qu’Elizabeth le rejoignait.
Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, il passa un bras autour de ses épaules et ils attendirent patiemment (ou presque) qu’un serveur viennent les voir. Après un moment indéfini, alors que Coleen laissait reposer sa tête sur celle d’Elizabeth qui était appuyée sur son épaule, une femme (probablement celle qui l’avait bousculé) s’approcha.

« Oui ? »

« On voudrait payer ! » Lui apprit Coleen d’un ton enjoué

« Bien, je m’occupe de vous tout de suite » Répondit la femme avant de lui poser tout un tas de questions auxquels il eut du mal à répondre…

Après avoir défini à quelle table ils avaient été installés durant la soirée, elle lui présenta l’addition et il lui fallut un temps interminable pour trouver quels billets et pièces lui donner. Il la gratifia d’un important pourboire (sûrement un peu trop élevé d’ailleurs) et, après avoir rangé son portefeuille dans sa veste qu’il ne se rappelait même pas avoir enfilé, il salua la serveuse comme si elle avait été une bonne amie à lui.

« Allez viens… » Fit Coleen en attrapant Elizabeth par les épaules pour la guider vers la sortie « J’te préviens, j’suis en mode automatique là et je sais plus comment je m’appelle alors… va falloir que tu m’guide, ok ? En échange, j’oubli que ta seule réaction a été de chanter quand tu m’as cru en danger… la vache je fais des phrases ! Elles sortent toutes seules de ma bouche… comme si quelqu’un les disait à ma place sauf que c’est moi qui les dis avec mon cerveau et ma bouche en fait… l’être humain est fascinant ! »

Sur cette phrase au combien philosophique, ils quittèrent le bar, se soutenant l’un l’autre du mieux qu’ils le pouvaient.

Le petit vent frai qui soufflait à l’extérieur du bar fit un bien fou au jeune homme. Il s’arrêta d’ailleurs un instant pour profiter de ce contact sur sa peau, les yeux fermés, en plein extase.
C’était encore mieux que n’importe quelle caresse dans des toilettes sordides…
Mais alors qu’il appréciait ce moment de communion avec les éléments, savourant la brise sur son visage et la fraicheur relative de l’extérieur, Elizabeth reprit la parole.
Légèrement agacé, il rouvrit ses paupières en acier trempé (à en croire leur poids et la difficulté qu’il éprouvait à les garder levées) et posa son regard sur elle.
Outragé par ses sous-entendus, il fronça les sourcils et arbora une moue boudeuse tout à fait de circonstance.
Non mais pour qui se prenait-elle ?! Comment osait-elle le traiter de menteur, lui qui avait toujours été un citoyen honnête et… tout et tout.

« C’est complètement pas vrai ! » Objecta-t-il alors qu’elle prenait de nouveau ses mains dans les siennes

Il la laissa faire, trop occupé à lui en vouloir pour réaliser vraiment ce qu’elle faisait. Elle semblait perdue dans la contemplation de ses yeux mais il essaya de ne pas lui accorder d’attention. Il était en train de se défendre, elle n’avait pas le droit de le distraire comme ça ! C’était injuste ! De la manipulation ! Interdis !
Mais alors qu’il allait rouvrir la bouche pour le lui signaler, Elizabeth plongea en avant, le faisant taire en plaquant ses lèvres sur les siennes.

Il écarquillé les yeux, trop surpris par cette violation de son périmètre de sécurité pour vraiment réagir. Sans compter que, encore une fois, il n’était plus aussi réactif que sobre.
Après une poignée de secondes, il retrouva pourtant l’usage de ses bras et s’en servit pour écarter la jeune femme. Le souffle court et son cœur cognant avec force dans sa poitrine, il la dévisagea longuement, la tenant toujours à bonne distance.
Elle soutint son regard sans ciller, ses deux yeux brillants toujours fixés aux siens.

Elle avait laissé un goût étrange sur ses lèvres. Celui de la Vodka évidemment, mais un autre, plus figuré. Le goût du passé, de l’interdit.
Une flopée de souvenirs remonta brusquement à la surface, lui bloquant la respiration momentanément, tandis qu’il essayait de faire le vide dans son esprit et de chasser ses souvenirs.
Pourquoi avait-elle fait ça ? Encore !
La réponse lui paraissait évidente : parce qu’elle avait trop bu. Elle ne savait plus ce qu’elle faisait…
Cette idée, bien qu’au fond elle lui paraisse peu convaincante, l’apaisa un peu et, relâchant les épaules de la jeune femme, il se mit à rire avec gêne.

« Tu m’as embrassé » Lâcha-t-il, comme si elle venait de lui demander ce qui s’était passé « T’as trop bu ! …et moi aussi d’ailleurs » Enchaina Coleen sans se défaire de son sourire

Il resta ensuite silencieux, se contentant de fixer Elizabeth d’un air niais.
Il valait mieux ne plus penser à tout ça. Après tout, ils n’avaient rien fait de mal cette fois, elle l’avait juste embrassé. Ca se faisait entre amis ça… non ?
Si ! Evidemment, ça se faisait. D’autant que pour eux ça ne voulait rien dire du tout alors… ils avaient le droit… sûrement.

Coleen abandonna l’idée de se poser davantage de questions. Sa tête lourde commençait à peser sur ses épaules et il ne voulait plus s’attarder ici plus longtemps. Il fallait qu’il rentre avant de tomber de fatigue sur un banc ou à même le sol, ce qui risquait d’arriver plus vite que prévu s’ils restaient plantés là tous les deux…

Coleen leva les yeux au ciel à la réponse d’Elizabeth qui assurait ne pas l’avoir embrassé. Petite menteuse.
Mais finalement, c’était préférable. Faire comme s’il ne s’était rien passé était la meilleure chose à faire ! De tout façon, il n’y avait pas mort d’homme, elle s’était juste laissée emporter par l’exaltation du moment… enfin techniquement, ils venaient simplement de quitter un bar, il n’y avait rien de très exaltant là-dedans !
Mais ça n’était qu’un détail, elle devait avoir ses raisons.
Jugeant que le sujet ne valait pas d’être approfondi, il se contenta de fourrer ses mains dans les poches de son jean, haussant négligemment une épaule.

« Hm…on va… à… Hawaï !! » Proposa-t-il alors, lui adressant un large sourire « On pourra danser toutes les nuits sur la plage et boire jusqu’à plus soif »

Il se lança alors dans l’imitation de la culte danse des vahinés, essayant d’entrainer son amie avec lui. Mais après quelques instants, il remarqua que ce simple mouvement lui coûtait beaucoup et, vidé, il s’arrêta pour pousser un long soupir.

« Je veux descendre du manège... dis leur d'arrêter » Gémit-il en passant dans le dos de son amie pour se laisser tomber sur elle

Il fit reposer son menton sur son épaule, l’enlaçant de ses bras. Il faisait frai à l’extérieur et, dans sa tenue, elle ne tarderait pas à frissonner. L’alcool lui tenait encore chaud, mais ça ne durerait pas. Il lui aurait bien proposé de prendre sa veste mais… l’idée ne le traversa même pas.
Une fois encore, il ferma les yeux et se contenta de respirer, seul action qu’il pouvait encore produire sans trop se fatiguer et sans que ça le décor ne tourne autour de lui. Il avait l’impression d’être un soleil. Un gentil soleil autour duquel tout gravitait…
Est-ce que le soleil pouvait vomir ?
Lui en tout cas, commençait à avoir la nausée.

« J’veux être dans ton lit » Murmura-t-il à son oreille, gardant les yeux clos

Par là, il n’entendait bien entendu pas coucher avec elle ou quoi que ce soit du genre. Non. En réalité, il venait d’avoir un long débat intérieur, plein de logique, et venait simplement de lui en donner la conclusion, incapable qu’il était de prononcer davantage de mots.
Coleen venait en effet tout simplement de tracer deux itinéraires dans son cerveau embrumé, afin de définir lequel de leurs appartements étaient le plus proche. Et il s’avérait que c’était celui de la jeune femme.
Ne souhaitant pas terminer dans son canapé qu’il trouvait parfaitement inconfortable, il avait alors pensé que, partager son lit double avec elle serait une bien meilleure idée.
Et voilà comment il était arrivé à lui parler de son envie de terminer la soirée dans son lit.

« Tu conduis ou j'men charge ? » Demanda-t-il ensuite en restant parfaitement immobile, ne se souciant pas du tout de peser de tout son poids plume sur son amie

La réponse d’Elizabeth fit naitre un large sourire enjoué sur les lèvres de Coleen. Il s’écarta d’elle sans demander son reste et lui arracha presque les clés des mains. Il poussa une exclamation ravie et c’est presque en sautillant qu’il rejoignit la superbe Audi de son amie.
Il caressa l’engin amoureusement, laissant ses doigts frôler la carlingue dans une expression d’extase. Le jeune homme adorait conduire le véhicule de son amie et pour cause, il avait toujours rêvé de posséder une telle voiture.
Son père avait les moyens de lui en offrir une évidemment, mais il avait voulu lui apprendre la notion de l’argent et le sens du devoir… Stupide !
Quand il avait enfin réussi à obtenir son permis (après 3 essais très peu concluants il fallait l’avouer), loin de lui remettre les clés d’une super décapotable sportive, son père lui avait confié un journal.

« Regarde en page 5 fils, tu trouveras plein d’offres d’emploi. Il est temps que tu gagnes ton propre argent » Lui avait-il dit, arborant cet air sérieux qu’il lui détestait

« Quoi ?! Tu rigoles » Avait-il rétorqué, abasourdi « Mais Adam a eu sa voiture lui ! Et… et si Erin avait eu son permis, elle en aurait eu une ! C’est injuste ! »

« La vie n’est pas toujours juste Coleen, il serait temps que tu t’en rendes compte »

« C’est parce que j’ai raté mon trimestre hein, c’est pour ça, avoue ! Tu veux me faire payer ! » S’était récrié l’adolescent alors âgé de 18 ans à peine

« Ca n’a rien à voir. Je veux juste que tu apprennes à ne compter que sur toi. Adam est assez mûr pour se débrouiller tout seul et il n’a rien à me prouver » Avait continué son père en avalant son verre de Scotch d’un geste rendu coutumier par des années d’expérience

« Et Adam ramène des filles à la maison… c’est ça, n'est-ce pas, père ? » Avait lâché Coleen d’un ton acide, ses mâchoires se crispant sous la frustration, la colère et le chagrin

« Ca n’a rien avoir avec cette…passade fils, tu le sais bien. Et maintenant si tu veux bien m’excuser, j’ai un rendez-vous » Avait-il mentit effrontément, avant de s’enfermer dans son bureau

Coleen avait alors suivit le conseil de son père et parcouru les petites annonces pour se trouver un emploi, espérant bêtement que son père sera fier de le voir travailler. Connerie.
Dès qu’il en avait eu les moyens, il s’était payé un voiture qu’il avait été choisir avec l’aide de son frère. Il avait opté pour une vieille Ford fatiguée mais qui avait la décence de rouler. Elle ne payait vraiment pas de mine mais finalement, il était heureux de l’avoir acheté avec son propre argent, gagné à la sueur de son front…

Coleen chassa ses souvenirs dans un battement de cil et il ouvrit sa portière pour se glisser derrière le volant. Le cuir grinça lorsqu’il s’installa sur le siège et, après avoir refermé sa portière, il posa ses mains sur le volant, dégustant chaque seconde.
Secondes qui s’écoulèrent, devenant une minute. Il ne bougeait pas. Le regard fixé devant lui, ses deux mains cramponnées au volant, un sourire béat accroché à son visage.
Finalement, il se tourna vers Elizabeth qui était sagement installée sur le siège voisin. Elle n’avait pas l’air en grande forme… et quelque chose lui disait que lui non plus.

« Tu sais… on pourrait bien ne pas survivre à ce voyage » Lâcha-t-il d’un ton badin « Le mieux, ça serait d’appeler un taxi ou même ma sœur pour qu’elle vienne nous prendre. Ou alors on pourrait demander à Freddie. Je lui taillerais une pipe pour le dédommager pendant que tu vomiras dans ta salle de bain… ou bien on pourrait rentrer à pieds aussi. Ca serait plus prudent »

Sans attendre sa réponse, il haussa une épaule et enfonça la clé dans le contact.

« Rah… fuck it ! » Tiqua-t-il en faisant rugir le moteur « Si on meurt ce soir, j’veux que tu saches que l’été de nos 13 ans, j’ai craché dans ta bouffe. T’avais critiqué Sinatra et je n’avais pas aimé du tout ! Et maintenant, accroche-toi à c’que tu peux parce que j’mets les gaz poupée » Minauda Coleen en démarrant la voiture…

…qui partir en marche arrière.
Le jeune homme freina en vitesse, laissant échapper un juron. La voiture de nouveau immobilisé, il se tourna vers Elizabeth et, après un moment passé à la dévisager avec des yeux ronds, il éclata de rire, jusqu’à en pleurer, se tordant sur son siège comme un possédé. Ou un adolescent bourré, à voir.

Complètement hilare, le jeune homme n’écouta que distraitement les remarques de sa passagère. Les larmes roulaient sur ses joues pâles et il était incapable de les contrôler. Des hoquets gras le secouaient à mesure qu’il se tortillait sur son siège, les bras croisés sur son estomac douloureux.
Il avait passé une soirée entière à pleurer, déprimer, se lamenter sur son sort et rire lui faisait un bien fou. Coleen avait l’impression qu’il ne pourrait jamais plus s’arrêter.
Tous ses muscles tendus jusque là venaient de se détendre et il se sentit soudainement plus léger.

Soudain, alors qu’il essuyait ses yeux embués de larmes, il entendit la portière d’Elizabeth claquer violemment. Il tourna la tête dans cette direction et la vie s’éloigner d’un pas pressé sous une pluie battante. Depuis quand pleuvait-il… ? Est-ce qu’il pleuvait quand ils étaient sortis du bar ?
Ses éclats de rires hystériques se calmant légèrement, il observa ses vêtements avec attention et constata qu’ils étaient secs. Il ne pleuvait donc pas quand ils avaient pénétrer dans le véhicule.

Le jeune homme leva les yeux au ciel, à la fois amusé et complètement dépité par la réaction de la petite blondinette. Il cessa de rire et tiqua d’agacement.
Coleen se concentra sur ce qu’il faisait et, après avoir tripoté la boite de vitesse, il remit le contact et, manœuvrant tant bien que mal, il fit demi-tour sur le parking du bar.
Maintenant dans la bonne direction, il longea la route à vitesse d’homme et s’approcha prudemment de la silhouette tremblante d’Elizabeth. Cette dernière s’avançait sur le bord du chemin, enlaçant ses propres épaules dans l’espoir de se réchauffer un peu. Elle avait rentré sa tête blonde dans ses épaules et marchait d’un pas qu’elle voulait décidé mais qui faisait plutôt pensé au numéro d’une funambule…

Le jeune homme abaissa sa fenêtre et passa un bras par la portière, ne se formalisant pas de l’eau qui se déversait sur lui. Tenant le volant de son autre main, il continua de rouler à allure réduite, tournant la tête en direction d’Elizabeth.

« Oh allez, arrête ! Fais pas ta mijaurée Lizzie ! » Lui cria Coleen pour être sûre d’être entendu « Tu vas être toute mouillée et tu vas sentir le chien ! »

Mais le petit brin de femme qu’il avait pour amie restait sourde à ses appels. La mine fermée et les bras maintenant croisés sur sa poitrine d’un air boudeur, elle continuait d’avancer tant bien que mal sur le chemin bordant la route où il se trouvait.
Il continua de la suivre inlassablement, répétant encore et encore le nom de la jeune femme sur des tons différents à chaque fois.
Et finalement, après quelques instants, agacé, il poussa un grognement irrité et freina une fois de plus.

Sans prendre la peine de retirer les clés du contact, il sortit de la voiture qui était immobilisée au milieu de la petite route à une voie et ouvrit sa portière. Il s’extirpa du véhicule et courut après Elizabeth qui s’était enfin arrêtée.
La pluie tombait drue sur lui, le trempant des pieds à la tête quasi-immédiatement. Il n’y prêta pas attention et se contenta d’attraper Elizabeth par le bras.

« T’arrête de bouder oui ?! » La sermonna-t-il avec impatience « Tu vas attraper… un truc à gambader sous la flotte comme ça ! Remonte dans cette voiture maintenant et… et… oh merde ! »

Il bouscula la jeune femme sans douceur, au moment où le contenu de son estomac remontait sans signe avant-coureur…
Coleen se retrouva courbé en deux, vomissant tripes et boyaux dans l’herbe qui bordait la petite route cahoteuse. Et voilà ! Il l’avait bien dit que sortir était une mauvaise idée ! Si elle l’avait écouté, rien de cela ne serait arrivé !
Il la détestait…

Coleen ne prit pas la peine de répondre à Elizabeth lorsque cette dernière lui demanda s’il allait bien. Il était plié en deux sur une route mal éclairée en train de vomir copieusement. Sa tête pesait une tonne, ses oreilles bourdonnaient, il était sujet à de nombreuses bouffées de chaleurs et avait l’impression que ses jambes ne pourraient plus el porter très longtemps. Et elle osait lui poser cette question ?!
Il le savait sadique mais pas à ce point !
Demeurant silencieux (le flot de vomit s’échappant de sa bouche l’empêchant de toute manière de parler), il se contenta de lui jeter un regard chargé d’animosité.

Une fois son estomac en partie vidé de son contenu (à savoir une grande quantité d’alcool majoritairement) le jeune homme, dont les mains étaient posées sur ses genoux, tourna de nouveau son visage livide vers son amie.
Cette dernière l’observait d’un air neutre, presque narquois, et elle finit par lui balancer une remarque acerbe.
Ses sourcils se froncèrent et, après avoir craché par terre une dernière fois, il essuya la commissure de ses lèvres d’un revers de la main.

« C’est ça ouais ! Espèce de… de… de vieille mégère alcoolique et dégénérée ! Tu veux ma mort c’est ça ?! » L’apostropha-t-il avec rancœur

Il se redressa pour lui faire face, la dépassant d’une bonne tête. La pluie s’abattait sur eux avec force et une fois encore, le jeune homme se sentit accablé par la fatigue et la lassitude. Elle avait raison, ça lui apprendrait à rire…
En tout cas maintenant, une chose était sûre, il n’en avait plus du tout envie !
Ils se fixèrent un moment encore, leurs deux corps frissonnant sous la trombe d’eau qui se déversaient sur leur tête.
Ils devaient avoir l’air fin tiens ! Immobiles sous la pluie, complètement ivres et plein de ressentiment l’un envers l’autre.

Finalement, à bout, Coleen poussa un soupir et passa une main dans ses cheveux blonds. Il les frotta distraitement et ils se dressèrent un instant sur son crâne, pour être rapidement rabattu par l’eau.
Il s’approcha à nouveau d’Elizabeth, retirant sa veste trempée pour la déposer sur els épaules de son amie. Geste parfaitement inutile puisqu’il était au moins aussi trempé qu’elle.
Mais c’était l’intention qui comptait de toute manière !

« Bon… j’suis glacé, fatigué et j’aimerai vomir dans des toilettes la prochaine fois alors… s’il te plais Lizzie… remonte dans la voiture avec moi et… et on rentre chez toi, pitié » Conclut-il en lui jetant un regard suppliant, joignant ses deux mains